68                           HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
ou femmes avec esbattemens d'Amours. Sur d'autres pièces, pa­raissent des joueurs d'échecs, des personnages groupés autour d'une fontaine, ou se promenant au bord d'un bassin ombragé de ceri­siers, dont ils mangent les fruits; ailleurs on lit cette désignation curieuse : « Un tapis à personnages d'enfans et oiselez, et au milieu a une fontaine et une dame qui remue l'eau à ung bâtonnet. » Une autre scène non moins singulière nous montre des chapeaux avec des petits lapins et des chiens dedans les chapeaux.
La fantaisie du tapissier ne recule pas devant les sujets scabreux, et le scribe décrit gravement une pièce dont il est impossible de transcrire ici le titre. Le vieux français prenait des licences qu'on ne permet plus maintenant qu'à la langue latine.
Le tapis nommé la Haquenée offrait, selon toute vraisem­blance, le tableau d'une cavalcade. Signalons, pour finir, certaines pièces historiées, de légendes qui donnent au spectateur le commen­taire du sujet. Sur l'une, représentant encore des personnages à cheval, on lisait : « Véez cy jeunesse... a Une autre, à enfants, offrait cette légende : « Povez regarder... » Des écriteaux, espacés dans un paysage animé de plusieurs promeneurs, portaient ces mots : « Droit cy à l'erbette jolie... » C'était probablement le début d'une chanson en vogue qu'on retrouvera peut-être un jour ou l'autre dans quelque vieux recueil de poésies.
Les tapisseries à légendes explicatives, ou, comme on disait alors, à écriteaux, paraissent avoir joui d'une grande faveur au xv0 siècle. On prisait fort les divertissements rustiques, parfois rele­vés d'une pointe de sel gaulois, et auxquels un versificateur exercé prêtait souvent sa collaboration. Il nous reste encore plusieurs exemplaires d'une série appartenant à ce type particulier qui a joui d'un.vif succès pendant bien des générations. La représentation des amours champêtres de Gombaut et de Macée, dont l'origine remonte probablement au xvc siècle, a été reproduite pendant deux cents ans par les fabriques les plus célèbres. Nous avons rencontré plus de vingt pièces différentes consacrées aux aventures de ces héros populaires. Les ateliers de Bruxelles, d'Aubusson, de Paris les ont copiées et recopiées jusque sous Louis XIIL Nous ne pou­vons citer, il est vrai, un seul exemple datant de l'origine de la légende ; mais on peut considérer les types relativement ré­cents qui nous sont parvenus comme des reproductions fidèles de ces idylles pastorales si communes dans les anciens inven-